En début d’année, un reportage consacré au train léger et diffusé lors du 20h00 de TF1 a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux mais également dans toute la communauté ferroviaire ainsi qu’auprès de la population en général.
Notre association LeTrain634269 n’est pas fermée à l’innovation et aux nouvelles technologies mais elle considère la nécessité de faire preuve de pragmatisme et de bon sens en pointant quelques zones d’ombre sur le train « léger ».
En mai 2022 d’ailleurs, nous avions réalisé un article à ce sujet :
Ce reportage amène plusieurs remarques de notre part :
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- Tout d’abord, Monsieur AGOYER, directeur de l’innovation technologique SNCF en parlant de la cabine de conduite surélevée indique que ce sera du jamais vu, un concept. Pourtant, il ne semble pas connaitre l’histoire de la SNCF : des autorails SNCF ont eu la cabine sur le toit tels les x3800 surnommés Picasso et les x5500 et 800 surnommés mobylette et FNC !
(Picasso)
(mobylette)
- Et il ne faut pas se leurrer : ce n’est pas un petit autorail léger qui fera baisser les coûts de maintenance et régénération des lignes même à voie unique et sans caténaire car il y aura toujours des coûts incompressibles tels le ballast les rails les traverses les ouvrages d’art et les passages à niveau !
- Pour rappel en Bretagne, dans les années 90, il y a eu une tentative d’utilisation de petits autorails légers tels les autorails 2 essieux (A2E) et cela est resté sans suite à ce jour.
(A2E)
Ensuite, nous avons relevé 4 motifs pour lesquels le train léger ne nous semble pas adapté sur l’axe Clermont-Ferrand Saint-Étienne par Thiers et Boën :
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- Du fait du plancher bas et des petites roues, le train léger nécessite une infrastructure de meilleur niveau que l’infrastructure actuelle car celui-ci possède de petites roues et amortisseurs supplémentaires :
- Quelques compléments issus du rapport CEREMA ( Quel avenir pour les petites lignes ?
- Potentiel, technique, gouvernance -2020 ? à télécharger ici :
- Un matériel plus léger agresse moins les voies, à condition qu’il soit conçu avec des bogies intégrant une suspension efficace, donc hauts, ce qui améliore aussi le confort.
- Un plancher bas intégral est donc proscrit. Cela n’empêche pas d’avoir de larges portes et un plancher bas au niveau des portes ;
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- Un système ferroviaire léger doit se baser sur une infrastructure en bon état : changer le matériel ne dispense pas de renouveler les voies ! Celles-ci tiendront au mieux quelques années de plus, en occasionnant une usure accélérée du matériel. Encore une fois, la vision à long-terme implique un projet généralement ambitieux, mais durable.
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- Rien ne démontre que le train léger coûte moins cher en terme en coût d’exploitation :
- Un train léger type DRAISY s’il était mis en place, nécessiterait comme tout matériel roulant une maintenance adaptée.
- La configuration avec une section centrale circulée en DRAISY encadrée (Clermont -Ferrand- Thiers d’une part et Boën – St-Étienne d’autre part) par des sections relevant du Réseau Ferré National impliquerait que le matériel DRAISY soit enfermé sur la section centrale.
- Pour l’entretien de ce matériel, il conviendrait donc de prévoir une installation ad-hoc restant à construire sur Pont – de – Dore – Boën, ce qui viendrait renchérir le cout d’exploitation. L’autorail X73500 dont nous parleront plus bas est quant à lui entretenu à Clermont / Saint-Étienne si bien que les installations de maintenance sont réparties un nombre bien plus important de matériel.
- Le coût d’acquisition à amortir dépendra également du volume de matériel DRAISY (ou autre matériel dit « léger ») à acquérir par SNCF, jouant sur la ventilation des frais fixes de développement.
- Si la SNCF communique tant pour les trains légers, c’est justement parce qu’elle ne veut pas prendre de risque industriel et économique d’expérimenter ces trains sans avoir le soutien des Régions / Collectivités.
- De plus, si la SNCF était certaine de son coup, elle le financerait sur fond propre pour les engager sur des lignes plus circulées depuis des années…
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- La ligne Clermont-Ferrand St-Étienne est une ligne très fréquentée par les étudiants , DRAISY ne peut transporter que 80 passagers, dont 30 personnes assises :
- Le DRAISY affiche soit disant 80 passagers dont 30 assises; ce qui fait donc 50 personnes debout réparties sur 12m x 2,5 m soit 2 personnes debout/m². Sur cette base l’autorail X73500 accoste à environ 200 personnes transportées ce qui est appréciable les pics du vendredi / dimanche soir / lundi matin.
(Autorail X 73500 à L’Hôpital Sous Rochefort entre Boën et Thiers – Février 2015)
- Que se passerait-il si le DRAISY était complet et que des clients se voyaient refuser l’accès à bord ? Un client voulant faire Clermont – St-Étienne devrait donc attendre la rotation suivante du DRAISY et du coup rater sa correspondance à Boën ? Statistiquement, plus la capacité d’emport est faible plus l’occurrence d’une telle situation augmente !
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- Problématique du temps de parcours entre Clermont-Ferrand et St-Étienne en train léger :
- C’est en effet le cas d’école avec une double rupture de charge (Pont de Dore + Boën) et l’absence de gain de temps entre Clermont – Pont de Dore d’une part et Boën – Saint-Étienne d’autre part (les antennes circuleraient en omnibus). Donc un différentiel de temps de parcours attendu de l’ordre 30 minutes environ sur un trajet Clermont – St-Étienne.
En résumé :
Thiers – Boën n’est pas une ligne à part entière, mais un tronçon de Clermont-Ferrand Saint-Étienne.
Du train léger sur cette ligne, imposerait un changement systématique à Boën sur Lignon ou à Pont-de-Dore (Thiers). De surcroit il s’agit d’un nouveau type de matériel avec une maintenance spécifique, une incompatibilité totale avec ce qui existe déjà, des lourdeurs d’exploitation dues à un parc hyper spécialisé, et enfin l’impossibilité de réutiliser un autre matériel en cas de souci.
Après, pour certaines relations et à certaines heures, des trains peu capacitaires pourraient être développés, mais en gardant la compatibilité avec le reste du réseau et pourquoi pas en étudiant la possibilité de rouler en Unités Multiples avec d’autres types de matériels.
L’autorail X 73500 utilisé aujourd’hui est un excellent matériel pour des dessertes moins fréquentées, il offre la possibilité de relier 3 autorails, ainsi, cela assure d’avoir une capacité accrue quand c’est nécessaire.
Enfin, une desserte bien optimisée, avec des temps de trajet corrects, des correspondances judicieuses et une fréquence de circulations adaptée à la demande, se retrouve en quelques années bien remplie. Un train léger ne peut pas faire face à l’augmentation de la demande.
Aujourd’hui, la référence pour les lignes de montagne ou des zones peu denses, c’est l’autorail X73500.
Parvenu à la mi-vie, il est tout de même à signaler que ces engins présentent encore très bien : les aménagements intérieurs ont fait preuve de robustesse et les vastes baies presque panoramiques permettent de profiter des paysages.
Certes, ces autorails ne sont pas équipés de prises de courant aux places assises, mais les principes fondateurs de l’engin ne sont pas véritablement en cause. Les bogies sont peu agressifs pour la voie et la suspension arrive à compenser les irrégularités, parfois prononcées sur des lignes subissant les conséquences d’un important retard d’investissement.
La suite sur :
Récemment, l’excellent blog Raildusud s’est fait l’écho d’un projet de train très léger sur entre Digne et Saint-Auban, maillon de 22 km entre la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence desservie depuis Nice par les Chemins de fer de Provence et la ligne structurante Marseille-Veynes.
Un article édifiant qui rappelle que dès lors que la frénésie d’innovation prend le pas, l’argent semble couler à flot puisqu’une rénovation de la voie et matériel inclus est estimée entre 4,28 M€/km et 9,5 M€/km.
La réouverture de Boën Thiers en train classique est évaluée entre 1 et 1,5 M €/km, le matériel existe déjà puisqu’il circule sur les sections Boën Saint-Étienne et Thiers Clermont-Ferrand.
L’article ci-dessous :
Mobilisons-nous toutes et tous pour réparer en urgence la plus consternante et absurde suspension ferroviaire française de ce début de 21ème siècle entre Clermont-Ferrand et Saint-Étienne, les deux seules métropoles françaises qui ne soient pas reliées entre elles.
Réparons cette fracture territoriale et sociale à l’heure où l’urgence climatique et la complémentarité des bassins de vie sont au cœur des préoccupations de chacun.
Cette véritable colonne vertébrale des mobilités bas carbone doit être au service d’une équité territoriale digne et durable au cœur de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour 1 million d’habitants.
Le train, colonne vertébrale des mobilités, puissant vecteur d’aménagement du territoire entre 3 grandes métropoles de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et levier incontournable de la transition écologique et sociale.
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